En droit français, les compétences sont transférables. La délégation n’est possible que si une loi le permet. S’agissant de la compétence GEMAPI, la Loi MAPTAM a prévu la possibilité de déléguer tout ou partie de cette compétence d’un EPCI (et pas d’un syndicat mixte) à un EPAGE ou un EPTB. La Loi "Fesneau" du 30 décembre 2017 a largement assoupli les possibilités de délégation. Ainsi les EPCI s’interrogent et examinent les offres des syndicats mixtes auxquels ils adhèrent ou sont susceptibles d’adhérer. Un point sur les différences de fond s’impose.
Le transfert a pour conséquence que l’EPCI n’a plus la compétence et il devient membre du syndicat mixte auquel il l’a transférée. La structure est donc dessaisie de la compétence et ne supporte plus de responsabilités (ce qui est important au regard des ouvrages eux aussi transférés), mais ne se désintéresse pas pour autant de la question puisqu’elle participe à la gouvernance en tant que membre du syndicat. Mieux, c’est bien l’ensemble des délégués des EPCI qui ont transféré la compétence qui administrent le syndicat mixte. Enfin, les statuts des syndicats mixtes régissent les modalités de prise de décision et de financement. Des règles de mutualisation relèvent de la logique de solidarité de bassin, ou solidarité "amont–aval" en faisant supporter sur tous les contribuables représentés le choix et le financement d’actions d’intérêt général mais ne bénéficiant pas nécessairement à tous.
La délégation s’appuie sur une convention qui définit le service attendu du syndicat mixte sur une période donnée : la délégation encadre les attendus du syndicat mixte, elle est limitée dans le temps et le financement est lié aux actions déléguées. Ainsi, cette forme méconnait la solidarité de bassin en ce sens que l’EPCI "passe commande" de ses besoins et les finance. Il paye donc l’intégralité de l’autofinancement de ses besoins (ce qui peut conjoncturellement être très onéreux au moment des travaux) et ne bénéficie pas d’une mutualisation entre les membres au-delà des frais de fonctionnement de la structure auxquels il contribue partiellement.
Le syndicat mixte est ainsi positionné en prestataire de service, arguant légitimement de ses capacités techniques sur un domaine bien spécifique mais s’exposant aux aléas des échéances de conventions et des incidences sur la gestion des effectifs et de son budget de fonctionnement.
Les conséquences pour l’EPCI sont donc une absence d’adhésion à la structure (sauf à ce qu’il adhère pour d’autres compétences), ce qui suppose que le syndicat mixte a des membres qui proviennent d’autres collectivités (départements, régions, etc.) et il ne prend pas part à la gouvernance et aux décisions de cette collectivité. De plus, l’EPCI conserve la responsabilité liée à la compétence, notamment les responsabilités sur la sécurité des ouvrages, ce qui n’est pas neutre pour les territoires concernés et peut impliquer des recrutements spécifiques à la surveillance et l’entretien.
Si certains EPCI peuvent être tentés par la délégation pour conserver la maîtrise de la compétence, force est de constater qu’ils se privent des bienfaits de la mutualisation (lissage des coûts, participation proportionnée aux frais de fonctionnement).
L’Entente Oise Aisne, qui repose sur 50 ans de solidarité de bassin, a fait le choix dès le départ de bâtir ses nouveaux statuts dans la logique du transfert de compétence pour pouvoir proposer tous les bienfaits de la mutualisation aux EPCI membres (et aux autres collectivités comme les départements ou les régions) avec une forte visibilité sur les projets de long terme sur la stratégie de bassin et une forfaitisation des coûts des actions locales. De plus, toutes les collectivités prennent part aux décisions de l’EPTB de sorte qu’un véritable débat se tient dans ses instances.
Si quelques EPCI nous ont dit regretter l’absence de délégation dans l’offre de l’Entente, force est de constater que les discussions se sont énormément simplifiées sur le coût des cotisations qui devenait assez simple à estimer et sécurisé dès que les perspectives d’adhésions (et donc de population représentée dans la gouvernance) se précisaient. Jouant pleinement la logique de solidarité de bassin, les cotisations ont été calées exclusivement sur un prix par habitant dans le bassin, à l’exclusion de critères comme le linéaire de cours d’eau qui peuvent induire de fortes variations entre les territoires et font peser un poids supérieur aux territoires amont par rapport à l’aval tandis qu’ils sont logiquement moins concernés par les stratégies de "grand bassin".
Rappelons enfin que le "hors GEMAPI" (alinéa 12 animation concertation, alinéa 4 lutte contre le ruissellement etc.) ne peut être que transféré.