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GEMAPI : la solidarité à deux étages

La compétence GEMAPI ne dessaisit pas les riverains de leurs obligations. S’agissant des milieux aquatiques, les riverains doivent entretenir les cours d’eau non domaniaux jusqu’à la moitié de la section du lit. S’agissant des risques d’inondation, il appartient à chacun de se protéger. Alors pourquoi créer une compétence confiée aux collectivités ? Parce que les différents items cités à l’article L211–7 du Code de l’environnement, parmi lesquels figurent les quatre composantes de la GEMAPI, doivent être exercés via des déclarations d’intérêt général (DIG). Cette précision est très importante car l’action des collectivités doit faire la démonstration d’un intérêt général que chaque particulier, isolément, ne peut mettre en avant. Nous avions déjà décrit cet aspect lors d’un précédent billet. En matière de milieux aquatiques, l’approche globale d’un cours d’eau, les différents faciès d’écoulement, la répartition et la densité des zones de frayères, la gestion des plantes invasives etc., ne peuvent se concevoir à l’échelle de la parcelle.

En matière de lutte contre les inondations, des solutions d’écrêtement des crues sont bien plus efficaces et bénéficient à un grand nombre de riverains, à l’opposé de solutions individuelles se résumant à la ceinture de chaque enjeu pour le soustraire du champ d’expansion des crues.

 

Le premier étage : la fiscalité locale

 

Dès lors que l’EPCI s’empare de cette compétence, il ne peut la financer que par le budget général ou par la taxe GEMAPI. Dans les deux cas, l’assiette est bien répartie sur les foyers (taxe d’habitation, taxe foncière sur le bâti et le non-bâti) et l’activité économique (taxe foncière des entreprises) et dans les mêmes proportions. Ainsi, que le contribuable soit riverain du cours d’eau ou pas, habite en zone inondable ou pas, il contribue sans distinction de riveraineté. Et lorsque l’EPCI s’étend sur deux bassins en englobant une ligne de crête, les contribuables des deux versants cotisent indifféremment. Ainsi, et quels que soient les reproches que l’on peut formuler à l’encontre de cette fiscalité assise sur la défaillance au regard des obligations de chacun, méconnaissant les bassins, déresponsabilisant les riverains, il convient de se résoudre à ce principe de solidarité au sein d’un même EPCI. Et cette étape est clairement la plus difficile à faire admettre; sans doute est-il heureux qu’elle soit inscrite dans la Loi.

 

Le deuxième étage : la recomposition par bassins; le chaînon manquant

 

L’intérêt général que nous avons cité plus haut trouve son fondement dans l’approche de bassin versant. C’est au sein de ce territoire que l’action peut logiquement être déployée de façon optimale, en toute logique, dans son ensemble et en complémentarité. C’est cette vision globale à la bonne échelle qui garantit la pertinence de l’action et légitime l’intervention de la puissance publique par substitution des actions possibles réalisées par chaque riverain. Le programme global dépasse largement l’agrégation d’actions individuelles à la parcelle.

Il s’ensuit de nouvelles frontières, non administratives, mais topographiques, qui ne peuvent se dessiner qu’en cas de recomposition des acteurs à ces échelles. Les syndicats mixtes sont donc les bons acteurs, soit sous forme de droit commun (cas le plus fréquent, issu des anciens syndicats intercommunaux d’entretien et de restauration de cours d’eau, dont le périmètre peut s’étendre jusqu’au bassin versant), soit sous forme d’EPAGE, structure particulière définie par la Loi MAPTAM, soit enfin sous forme d’EPTB. Cette recomposition qui, comme nous le voyons, est nécessaire pour élaborer les programmes d’actions par DIG avec la meilleure pertinence, relèvent d’un second niveau de solidarité : amont aval, rural urbain, appartenance à un même bassin versant. Ce lien, peu évident pour le plus grand nombre, sous-tend portant le principe même de la GEMAPI : celle-ci repose sur le cheminement 1/ il faut aller chercher de l’efficacité, voire de la pertinence, en allant plus loin que les obligations individuelles à la parcelle; 2/ l’intérêt général prévaut, il est financé par tous (premier étage); 3/ les actions pertinentes doivent se décliner sur des échelles pertinentes, ce sont les bassins versants, il faut donc que les EPCI se recomposent à ces échelles (deuxième étage).

Hélas, et sans doute au nom de la libre administration des collectivités, la Loi MAPTAM n’a qu’incité les EPCI à une telle recomposition sans obligation. Ce chaînon manquant est, comme nous le voyons, pourtant essentiel pour l’atteinte même de l’objectif : l’intérêt général ne peut se concevoir qu’à l’échelle du bassin. Le premier étage étant constitué par la Loi, nous pouvons espérer que le second, qui n’est qu’une mise en œuvre de la compétence à la bonne échelle, pourra se mettre en place avec un minimum de "trous" dans la carte. Faire payer tout le monde est l’étape la plus difficile, elle est déjà franchie. Reste à convaincre que l’adhésion de tous à un même objet en diminue le coût pour chacun. La libre administration induit la pédagogie — sans doute par la répétition.