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Digues et responsabilités

La GEMAPI a fortement responsabilisé les EPCI sur l’entretien et la gestion des digues de protection (les "systèmes d’endiguement" pour reprendre le vocable réglementaire). Si la démarche réglementaire est vertueuse, puisqu’elle vise à ce que tous les ouvrages de protection existants soient fiables et surveillés, le parc concerné est très conséquent et peut rebuter certains gestionnaires qui se voient dépassés par la technicité et la quantité d’ouvrages à mettre en conformité.

Nous faisons ici un point sur les responsabilités encourues par les gestionnaires. Le Code de l’environnement prévoit des exonérations de responsabilités pour "les dommages que l’ouvrage n’a pas permis de prévenir" sous conditions. A l’opposé et lorsque les conditions ne sont pas remplies, le gestionnaire devient responsable des dommages dans la zone protégée, ce qui peut l’engager sur des montants très conséquents; il s’est transformé en assureur (sans lever de cotisations d’assurances). Cette situation est bien évidemment à éviter.

 

Le passage obligé : le classement de l’ouvrage…

 

Tout ouvrage existant doit être classé. L’autorisation qui a permis sa construction ne vaut pas arrêté de classement. Les échéances pour une mise en conformité diffèrent selon la classe de l’ouvrage. Les dossiers de demande de classement de digues protégeant plus de 3000 personnes (classes A et B) doivent être déposés pour le 31 décembre 2019. Les gestionnaires peuvent demander au Préfet un délai additionnel de 18 mois maximum, en produisant un argumentaire. Pour les digues protégeant moins de 3000 personnes (classe C), la date buttoir est le 31 décembre 2021, pouvant aussi être prolongée de 18 mois sur demande motivée.

Dans l’attente de l’arrêté de classement, le gestionnaire peut bénéficier d’une exonération de responsabilité pour les dommages que l’ouvrage n’aurait pu éviter, à la condition qu’il entretienne convenablement l’ouvrage (article L562–8–1 du Code de l’environnement). Cet entretien vise bien évidemment la fonction de protection et concerne d’éventuels terriers, fissures, tassements etc. et pas seulement la tonte paysagère.

Une fois la digue classée, l’exonération de responsabilité devient pérenne dès lors, bien évidemment, que la surveillance régulière et les réparations nécessaires sont continuellement réalisées.

 

… ou alors l’arasement

 

Si une collectivité ne procède pas au classement, ou que sa demande de classement est rejetée, l’exonération de responsabilité tombe un an après la date buttoir de dépôt (article R562–14 du CE), soit le 31 décembre 2020 + 18 mois optionnels pour les classes A et B, le 31 décembre 2022 + 18 mois optionnels pour la classe C.

Un ouvrage qui ne serait in fine pas classé, doit être mis en sécurité. Il s’agit de laisser le libre passage des eaux de crue pour assurer un équilibre des niveaux de part et d’autre de la digue et assurer ainsi la stabilité de l’ouvrage. La contrepartie est la remise dans la zone inondable de l’ensemble des enjeux auparavant protégés. La date buttoir pour procéder coïncide avec la fin de la période d’exonération de responsabilité, soit le 31 décembre 2020 + 18 mois optionnels pour les classes A et B, le 31 décembre 2022 + 18 mois optionnels pour la classe C (article R562–14 du CE).

 

Et si personne ne bouge ?

 

Du fait de l’abrogation des seuils de classement, un cas pourrait se présenter assez souvent. Il s’agit de digues de faible hauteur que personne n’a identifié. Les textes cités plus haut visent les ouvrages "mis à disposition en application de l’article L566–12–1 du CE", en d’autres termes, cela suppose que le gemapien a bien conventionné avec une personne morale de droit public. Pour un ouvrage qui ne serait pas sous convention (non connu des uns et des autres), les responsabilités seraient sans doute partagées : l’obligation de conventionnement s’impose aux deux parties. Quoi qu’il en soit, l’exonération de responsabilité pour les dommages que l’ouvrage n’a pu éviter dès lors qu’il était correctement entretenu, ne s’applique pas car elle ne concerne que le gemapien. Encore faut-il qu’il soit le gestionnaire.

Ainsi, les collectivités ont tout intérêt à recenser au plus tôt leurs ouvrages et se mettre en conformité. Car la GEMAPI a, en creux, transformé un risque naturel en une défaillance d’ouvrage, ce qui redistribue les responsabilités et… le financement de la réparation des dommages.

ressources liées

Article L562-8-1 du CE
Article L562-8-1 du CE
Article R562-14 du CE
Article R562-14 du CE
Article L566-12-1 du CE
Article L566-12-1 du CE