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Appilly : toujours inondé

Appilly, encore ce matin.
Appilly, encore ce matin.

Ce village de l’Oise, entre Chauny et Noyon, fait la une des journaux locaux depuis plusieurs jours. Car une semaine après le passage de la crue récente de l’Oise, plusieurs maisons sont encore inondées. Paradoxalement, la situation était maitrisée lors de la crue de janvier 2011, millésime notoire du sinistre dans la vallée de l’Oise. Alors que se passe-t-il ?

 

Episode 1 : janvier 2011

 

Pour comprendre, il faut donc revenir au passage de la crue de l’Oise de janvier 2011. En tête de bassin, à Hirson, cet événement est le plus important jamais vu, nettement plus catastrophique que la crue de décembre 1993 qui est encore présente dans les mémoires de tout le bassin Oise Aisne. Mais le barrage de Proisy (02), géré par l’Entente, a permis d’en atténuer les conséquences plus en aval avec une baisse des niveaux estimée à 40 cm au droit de l’ouvrage. Notamment, la surverse du canal latéral à l’Oise avait pu être évitée, protégeant une population conséquente.

Mais le canal latéral à l’Oise, s’il joue le rôle de digue de protection sur certains secteurs, est parfois inopérant, notamment lorsqu’un cours d’eau rejoint l’Oise. Par conception, plusieurs ouvrages enterrés, nommés "siphons", permettent auxdits cours d’eau de rejoindre l’Oise en s’écoulant sous le canal. Il en est de même pour toutes les eaux de ruissellement, collectées par des fossés et qui rejoignent l’Oise via quelques siphons répartis autant que de besoin.

Entre Chauny et Appilly, le siphon de Manicamp (02) est déterminant puisque la crue de l’Oise peut s’étendre de part et d’autre du canal en s’écoulant par cet ouvrage objet de toutes les attentions. En janvier 2011, le siphon avait été fermé pendant la crue à la demande de la population d’Appilly, au grand dam des habitants de Manicamp condamnés à subir l’ensemble des eaux de crue de l’Oise, de sorte que la tension entre les deux villages était tangible.

A la décrue et après analyse de la situation, les services de l’Etat des deux départements convenaient que le siphon devait rester ouvert (et Appilly inondable) conformément à la réglementation Le Préfet de l’Aisne prenait un arrêté en ce sens, en février 2012. En effet, depuis la Loi sur l’eau de janvier 1992, se soustraire au champ naturel d’expansion des crues suppose une autorisation administrative, qu’il est de plus en plus difficile de quérir : le pétitionnaire doit faire la démonstration de la neutralité hydraulique (s’il se retire du lit majeur, il n’aggrave pas la situation pour ceux qui y demeurent). Puis le SDAGE Seine Normandie a exclu la possibilité de protéger des espaces naturels et des terres agricoles (que l’on retrouve de part et d’autre d’Appilly). Enfin le PGRI Seine Normandie a astreint à compenser les volumes soustraits à l’expansion naturelle des crues par autant de déblais en lit majeur.

Au vu de l’ensemble de ces contraintes, la position de l’Etat ne pouvait être autre que la libre circulation de l’eau.

 

Episode 2 : aujourd’hui

 

Si la situation était redevenue calme, la crue récente de ce mois-ci conduit à nouveau à l’inondation d’Appilly par extension de la crue de l’Oise conjuguée à des écoulements soutenus du Grand Ru, cours d’eau traversant le village. Et les difficultés de ressuyage conjuguées sans doute à des écoulements limités par des siphons successifs font que l’inondation demeure. Sauf que maintenant, la décision prise par le Préfet de l’Aisne en février 2012 interdit de manœuvrer le siphon de Manicamp.

Alors que faire ? Devant cette situation persistante, le Préfet de l’Oise recevra l’ensemble des acteurs demain, et l’Entente Oise Aisne y est invitée. Au-delà de mesures d’urgences comme quelques pompages pour soulager le bas du village, la situation actuelle doit être précisément analysée pour identifier les pistes envisageables.

Quoi qu’il en soit, la manœuvre du siphon de Manicamp est une fausse bonne idée : fermer l’ouvrage n’est rien d’autre que la constitution d’un système d’endiguement qui protègerait un territoire s’étendant en rive droite du canal de Chauny à Appilly sur environ 10 km, constitué en grande partie d’espaces naturels classés Natura 2000 dont la haute valeur environnementale repose justement sur leur caractère humide et inondable. En outre, le volume colossal soustrait à l’inondation devrait être compensé, ce qui ne semble pas réaliste au vu de la configuration de la vallée.

L’enjeu sera donc de s’orienter vers d’autres solutions, sans doute d’une portée recentrée sur le village d’Appilly, et qu’il faudra bien imaginer. Et qui seront au programme de la Commission hydrographique de l’Entente puisque celle-ci est compétente en prévention des inondations tant sur Manicamp (Agglomération de Chauny-Tergnier-La Fère) que sur Appilly (Communauté de communes du pays Noyonnais).