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Creil et Compiègne, les villes les plus inondables de France ?

A la suite de la mise en ligne de la plateforme européenne d’adaptation au climat, issue d’un partenariat entre l’Union européenne et l’Agence européenne de l’environnement, l’agitation est à son maximum dans les deux agglomérations de l’Oise. Et pour cause : la carte interactive place Creil et Compiègne parmi les communes les plus exposées de France, à terme, aux crues centennales. Et la presse locale s’en fait le relais. Mais qu’en est-il vraiment ?

Surpris de ce résultat, nous avons investigué le site et il convient d’apporter quelques précisions.

Tout d’abord, les villes sont classées selon leur pourcentage de superficie urbaine inondable, sans rapport avec le nombre d’habitants ou d’emplois, ni même de la concentration de plusieurs communes autour d’un cours d’eau, encore moins de la succession de communes inondables le long d’un même cours d’eau — frappées par une même crue.

Etonnamment, nous ne retrouvons pas certaines communes pourtant bien connues pour être totalement inondables par la crue centennale en l’état actuel du climat, comme Saint-Pierre-des-Corps (proche de Tours, 37). De ce point de vue, nous pensons que la référence aux seize territoires à risque important d’intérêt national, identifiés dans la démarche de Directive inondation en novembre 2012, restent la référence de l’exposition française au risque d’inondation. Il s’agit des agglomérations d’Angers, Nantes, Orléans, Tours, Nevers, Avignon, Lyon, Montélimar, Valence, Vienne, Strasbourg, Rouen, Le Havre, Troyes, le delta du Rhône et l’Ile-de-France. Si Compiègne et Creil sont bien des territoires à risque important (TRI), ceux-ci ne relèvent pas d’une priorité nationale.

Mais le portail qui nous occupe nous projette sur les conséquences du changement climatique. Les simulations sont basées sur le scénario A1B (+2,8°C à l’horizon 2100). Mais la future crue centennale est calculée par extrapolation, d’une part des conséquences dudit scénario sur les crues extrêmes, et d’autre part de trente ans d’observations (période 1961–1990) pour en déduire une crue centennale "contemporaine". Chacun conviendra que 30 ans d’observations est sans doute court pour pronostiquer précisément un événement à une chance sur cent ; et l’extrapolation sous hypothèse de changement climatique d’ici 80 ans ne peut qu’amplifier les incertitudes et donc les erreurs.

Enfin, nous pensons que la modélisation par bassin, lorsqu’elle est disponible, est bien mieux adaptée que des modèles à l’échelle européenne et nécessairement "à grosses mailles", en méconnaissance des conditions particulières d’écoulement, de la sensibilité de chaque bassin à la distribution des pluies, mais aussi de la capacité des territoires à s’adapter au changement climatique : la reconnaissance d’une centaine de TRI français a impulsé autant de dynamiques locales en vue de réduire le risque.

En conclusion, les estimations basées sur un petit échantillon de crues, extrapolées sur une période trois fois plus longue sous hypothèse de changement climatique et de restitution correcte de ses conséquences, doivent être prises avec la plus grande prudence. 30 ans après la fin de l’échantillon 1961–1990, nous constatons, justement à Compiègne, que le risque n’a pas franchement augmenté sur la plage 1991–2020 (figure ci-contre).