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Interview de Jean-Jacques Thomas, maire d’Hirson

Les travaux de dérasement des seuils Pasteur et Moulin Vert étant bientôt achevés, nous sommes allés à la rencontre de Jean-Jacques THOMAS, Maire d’Hirson (02) et Président de la communauté de communes des Trois rivières. Il revient sur le contexte local ayant conduit à ces travaux. 

 

Entente Oise-Aisne :  Quel était jusqu’alors le rôle des seuils ?

Jean-Jacques THOMAS : La construction des seuils et leur rôle sont relativement récents, certains de nos concitoyens pensent que c’était Jules César, mais en fait c’était Louis Philippe qui en était à l’origine. Ils avaient une dimension de production énergétique, ce qui était une bonne chose. Mais ils ont finalement dénaturé le caractère historique de la rivière, et la confluence des rivières à Hirson, ajouté au phénomène de réchauffement climatique, ont amené ces seuils à retenir l’eau, augmenter le niveau des inondations, plutôt qu’à réguler le flux de rivière.

 

E.O.A. : De quelle façon Hirson est-elle particulièrement vulnérable aux inondations ?

JJT : Initialement, Hirson n’était pas vulnérable aux inondations. Au moyen-âge, la commune était sur un éperon rocheux, à la confluence de deux rivières l’Oise et le Gland. Puis, au fur et à mesure, la ville s’est étendue, on a construit et urbanisé autour de la rivière… Et à un moment donné, avec un certain nombre d’épisodes pluvieux, la rivière est montée et ne pouvait plus s’étendre sur les prairies. C’est alors que les maisons ont été touchées, soit par la crue de l’Oise ou du Gland, ou de la conjonction des deux, comme en 1956, en décembre 1993 ou encore janvier 2011, où la pluie et la neige ont amené des crues majeures.

 

E.O.A. : Pour quelles raisons les crues sont-elles difficiles à anticiper à Hirson ?

JJT : Quand on est à Guise, on sait que douze heures après qu’Hirson soit inondé, Guise risque de l’être. Et donc lorsqu’on est en tête de bassin, on n’a pas de point de repère. C’est toute la difficulté pour anticiper les crues. C’est pour cette raison que j’ai demandé qu’on construise un radar météorologique franco-belge. Quand on a des prévisions, on sait au moins quand la pluie va s’arrêter. Ce qui était très important quand la crue a atteint 4,15m en 2011 avec la conjonction de la pluie et de la fonte des neiges : il a fallu prendre la décision d’évacuer les populations, car on savait que la pluie allait continuer.

 

E.O.A. : Quel est le bénéfice attendu de ces travaux ?

JJT : Le dérasement du seuil Pasteur constitue une des étapes importantes de la protection de la ville, à la fois d’un point de vue écologique – car on va rendre à la rivière son aspect originel – et on va également permettre à l’eau de s’écouler plus rapidement. Il est préférable d’inonder les zones de pâture non habitées que de toucher des maisons comme en 2011, où plus de 500 habitations ont été inondées avec plus d’un mètre d’eau, avec une crue qui a atteint 4,15m, ce qui est le record statistique connu.

Par ailleurs, les populations les plus pauvres et les plus vulnérables habitent près de la rivière. C’est très difficile lors qu’il y a plusieurs inondations consécutives. Cela pose aussi des soucis avec les compagnies d’assurance qui refusent parfois de les assurer. Quand on est à la confluence de deux rivières comme à Hirson, il faut réguler le cours de la rivière.

Pour cela, il faudrait construire un bassin écrêteur pour que l’ensemble du bassin soit régulé et faire des travaux dans la traversée de la ville pour que l’eau coule plus rapidement. Le dérasement des seuils relève d’une première tranche de travaux. Depuis 2011 et le rapport Dunglas, l’Entente a engagé un vaste programme de lutte contre les inondations, à la fois pour répondre aux exigences écologiques mais aussi pour protéger les populations. Lorsque 500 foyers ont été inondés, que les gens ont tout perdu, on se dit que la précarité est terrible. Et si on peut arrêter le feu, on ne peut jamais arrêter l’eau.